La formation pour adultes face au COVID 19 : constats, perspectives et risques
Alors que la pandémie a touché tous les secteurs, la formation pour adultes en ont elles-mêmes subi les conséquences. Opérateurs de formation, associations, formateurs (-trices) ont été dans l’obligation de suspendre leur activité. Alors que la crise a permis de réveiller les inégalités sociales et penser de nouvelles formes de société, la formation pour adultes a été directement impactée dans ses pratiques. Chacun a dû utiliser d’autres modes d’apprentissage et mettre en place de nouvelles conditions et modalités de reprise des activités. Les participants aux formations ont, quant à eux, subi une pause dans leur parcours, pourtant important dans leur insertion socioprofessionnelle. Nous reprendrons alors dans cet article les constats de terrain de divers opérateurs de formation, les nœuds engendrés ainsi que les risques et perspectives pour la suite de la formation pour adultes.
Des participants impactés dans leur parcours d’insertion
La période de confinement a plongé les participants des formations dans une situation particulière mettant entre parenthèse leur parcours d’insertion socioprofessionnelle. Ce dernier a alors été impacté à plusieurs niveaux. Au niveau pédagogique, les participants n’ont pas reçu les heures de formation prévues initialement. Au niveau de leur insertion sur le marché de l’emploi, celle-ci se voit retardée par la prolongation de la formation ou affectée par la perte d’heures d’apprentissage nécessaires à l’acquisition de compétences liées au métier.
Mais aussi, cette période a mis en exergue deux éléments : l’importance de l’accompagnement et le contact humain, et la fracture numérique.
Souvent décriés comme inactifs, les demandeurs d’emploi ont pourtant montré leur volonté de reprendre au plus vite les formations. Le confinement, renforçant pour la plupart leur isolement et leurs difficultés financières, a révélé les impacts positifs des formations dans leur quotidien : création de lien social, amélioration de la confiance en soi, accompagnement psycho-social, acquisition de compétences, etc. L’arrêt de activités a alors placé les apprenants et stagiaires dans une situation d’expectative.
Deuxièmement, alors que l’accompagnement à distance a été encouragé, les participants ont eu de nombreuses difficultés quant à l’accessibilité d’outils numériques et à leur utilisation. Faiblement scolarisé et ayant peu de ressources financières, les participants ont eu des difficultés à suivre les enseignements en ligne. De plus, dans ce champ de la formation pour adultes, certains avec leurs objectifs, leurs modalités et leur public cible (remobilisation, EFT, stages) n’ont pas pu mettre en place un apprentissage à distance. Les inégalités se sont alors accrues au niveau pédagogique entre les différents types de demandeurs d’emploi. Ces inégalités se sont également renforcées au niveau financier. Cela s’est perçu avec les mesures mises en place par le Forem permettant aux stagiaires participant aux formations à distance de recevoir l’euro de l’heure et non les autres.
Formation à l’arrêt, cette période particulière a alors mis les personnes dans une plus grande fragilité et vulnérabilité, par rapport à leur situation avant le confinement.
Des formateurs soumis à de nouvelles modalités de formation
Concernant les formatrices et formateurs, la crise sanitaire a également chamboulé leur métier et leurs pratiques. Ils ont alors dû s’adapter aux nouvelles mesures de distanciation sociale et mettre en œuvre de nouvelles modalités d’apprentissage les mettant dans une situation parfois inconfortable.
Pendant le confinement, il a fallu mettre en place l’accompagnement à distance. Par téléphone ou en ligne, de nouveaux processus ont dû s’inventer afin de garder le lien avec les apprenants et maintenir un contenu pédagogique. Cela ne fut pourtant pas une évidence pour la majorité des formatrices et formateurs prenant conscience de l’importance du face à face dans leur travail. Mais aussi, la fracture numérique a également touché les professionnels, rendant de facto plus compliqué la gestion de l’accompagnement à distance et met à mal la mission pédagogique de base des formateurs.
Lors de la reprise partielle des activités, les mesures de distanciation sanitaire ont également mis à mal le travail des formatrices, les obligeant à construire de nouvelles modalités en formation. Les professionnels ont vu leurs groupes et l’espace d’apprentissage réduits, les pauses (pourtant nécessaires aux constructions sociales) supprimées, la proximité physique empêchée, etc. Pour certains organismes de formation, le port du masque a été encouragé au sein même de la formation. Cela a alors impacté les apprentissages par le fait que le non verbal permettant de rassurer, expliquer, percevoir les émotions des participants n’a pu continuer à s’exercer. Sources de stress, les mesures d’hygiène ont également demandé de renforcer leur vigilance et leur attention à ce sujet.
Alors que la volonté des professionnels était et est toujours de continuer à exercer dans les meilleures conditions, la crise est venue « parasiter » l’essence même de leur fonction et de la posture à adopter.
Des opérateurs soumis aux conditions spécifiques des subventionnements
Les organismes de formation ont également subi les conséquences de la crise durant la période de confinement. Trois inquiétudes ont questionné les structures.
Au début de la crise, le manque d’informations a plongé les opérateurs de formation dans un flou artistique : prise en compte des heures de formation, conditions pour les participants, maintien des subventions, fin de formation. L’évolution des décisions sur les différentes mesures à prendre a rendu une communication plus difficilement compréhensible par les opérateurs.
Ensuite, certaines structures, étant financées majoritairement par des appels à projet, se sont questionnées sur leur avenir et sur les emplois des formateurs et formatrices engagées sur les projets subventionnés.
Il a fallu prévoir, financer, mesurer les adaptations nécessaires à la reprise en présentiel afin d’accueillir à nouveau les participants dans les meilleures conditions possibles. Le matériel sanitaire a été commandé pour permettre à chacun de recevoir les kits d’hygiène nécessaires. Les locaux ont été repensés pour respecter le mètre cinquante de distance. Cela a alors mis à mal certains opérateurs qui devaient et qui doivent avoir un nombre requis de participants dans le cadre de leurs subventionnements.
Mesurer les risques pour penser de nouvelles perspectives d’action et de formation
Face à ces constats, plusieurs points de vigilance devront être pris en compte.
Au niveau des structures, des mesures ont déjà été prises pour permettre l’organisation et/ou la prolongation des dispositifs de formation. Toutefois, il sera nécessaire de rester attentif aux dispositions en vigueur en septembre afin de voir de quelle manière les structures peuvent maintenir les quotas d’heures et de participants au regard des ressources humaines, matérielles, financières et des infrastructures de chaque institution.
Au niveau de la formation et des modalités d’apprentissage, la formation des professionnels et des stagiaires semble primordiale pour développer de nouvelles modalités d’apprentissage à distance. Toutefois, il faudra veiller à permettre à tout un chacun d’accéder aux nouvelles technologies et de leur donner les moyens. Nous devrons également être vigilants à ne pas aller vers un accompagnement exclusivement numérique, mettant sur le bord de la route les plus fragilisées en oubliant les effets positifs du collectif et du présentiel.
Au niveau du parcours d’insertion, il sera intéressant de réfléchir aux impacts de la crise dans le cadre de l’insertion socioprofessionnelle des stagiaires.
En conclusion, il est incontestable que le secteur de l’insertion socioprofessionnelle et celui de la formation pour adultes seront amenés à connaitre des changements dans leurs pratiques. Choisis, subis ou proposés, ils devront se faire dans une perspective critique pour maintenir le sens même de la formation adressée à des publics fragilisés. L’accompagnement, le présentiel, le rapport à l’autre, l’apprentissage différenciée restent primordiales. Dans la formation des formateurs et formatrices mais aussi des participants, il sera nécessaire de tenir compte des connaissances et des acquis de chacun pour une meilleure équité dans l’apprentissage.